Zeus, créateur des dieux et des hommes, paré de toutes les qualités que ses femmes et ses enfants lui ont apportées, s'est donc uni à la Terre, à Europe, à... pour engendrer l'Homme qui a vu le jour au sortir de l'utérus de la Terre-Mère. Cet homme a eu alors accès, au bord du Jourdain, au Jardin d'Eden, entre les deux bras du Fleuve Sacré (la Mésopotamie).
Les conditions les plus favorables étaient donc réunies pour que cet Homme de chair, cette Créature, puisse s'engager dans la Vie dans les meilleures conditions, en suivant les préceptes du Père si parfait...
Peut-on objectivement dire que cet Homme a, jusqu'à présent, conduit sa vie de manière parfaite ? Les préceptes du Père étaient-ils si parfaits, dans tous les domaines ? Pourquoi donc sa seule femme légitime, Héra, n'a-t-elle pas pu, elle, jouir du même bonheur ? Pourquoi donc Héra a-t-elle dû faire tant pour que le Père continue à vivre, à travers ses enfants ? Pourquoi le Père (et avant lui le grand-père) voulait-il dévorer chacun des enfants qu'il concevait avec la multitude de ses femmes ?
L'Encyclopédie Universalis nous apporte aujourd'hui un embryon de réponse, mais encore entaché de "machisme", selon le vocable utilisé désormais. On nous dit que, si l'on se réfère à toutes les études les plus sérieuses menées sur le sujet, la prohibition de l'inceste apparaît comme universelle: "Dans toutes les sociétés connues, l'inceste est prohibé et l'infraction à la règle sévèrement châtiée : l'interdiction, pour un homme, d'avoir des relations sexuelles avec de proches parentes, apparaît comme une loi universelle et, par conséquent, liée à la nature elle-même."
Il convient de souligner que l'interdiction est essentiellement dirigée
vers l'Homme, comme si l'interdit, pour la femme, était moins rigoureux...
et cela se comprend : il suffit d'étudier la Genèse, avec
un esprit simple, et de se poser la question de savoir qui
est la mère des enfants de Caïn puisque Caïn ne peut connaître
qu'une seule femme : sa mère.
Mais Caïn sera rejeté pour avoir tué son frère,
non pour avoir commis l'inceste !!!!! Et il en est ainsi dans toutes
les traditions.
L'éminent ethnologue Claude LEVI-STRAUSS définit même
la prohibition de l'inceste comme "la démarche fondamentale grâce
à laquelle, par laquelle mais surtout en laquelle s'accomplit le
passage de la nature à la culture".
Il affirme par là que la prohibition de l'inceste est le moyen primitif
qu'a trouvé l'humanité pour se dégager de son animalité
initiale. L'inceste, par définition, dans ce cas, est donc une
pulsion animale tout à fait naturelle mais dont il convient
de se démarquer pour ne plus être un animal et accèder
au statut d'Homme.
On voit bien le lien particulièrement intime avec la symbolique
du Labyrinthe : Thésée, futur homme libre, a dû mettre
à mort cette part de lui-même faite toute d'instincts bestiaux,
aliénante car incontrôlée (incontrôlable ??),
source de pulsions animales révélatrices d'une non-maîtrise
de soi horriblement humiliante pour l' EGO... quand on veut se prétendre
HUMAIN et LIBRE ou l'égal du Père...
Thésée, au sortir du Labyrinthe, retrouvera cette Ariane
à laquelle il doit la Vie ; mais il l'abandonnera très vite
entre les mains d'un Dyonisos qui n'est jamais que la réplique du
Minotaure, lui-même demi-frère d'Ariane puisque fils de Pasiphaé...et
tout recommence, sur la même base malsaine....
Comment donc contrôler ce désir de se reproduire, pulsion de VIE, où l'on favorise le coït avec des partenaires que l'on connaît, avec lesquels on a grandi , pour éviter d'engendrer des "frères" qui n'en seraient pas, des "faux frères", ou tout simplement parce qu'ils sont là, tout près.. Là aussi, la mythologie apporte un embryon de réponse: Zeus a épousé METIS qui a engendré THEMIS (Justice).... traduire par: le métissage est la Loi, bien sûr la Loi universelle.
Il est particulièrement complexe d'étudier ce problème dans la mesure où ceux qui osent l'étudier sont eux-mêmes conditionnés par leur propre culture, laquelle s'est élaborée en eux, insidieusement parfois, depuis leur accession à ce monde, plus précisément à la société dans laquelle ils évoluent . Celle-ci les a imprégnés de ses règles, parmi lesquelles, justement, la prohibition, voire la "tabouisation" de l'inceste.
Si LEVI-STRAUSS nous apporte une piste capitale, elle n'a pas été menée à son terme pour la raison sus-évoquée. Même si, dans ses écrits, l'ethnologue effleure la réalité du problème, il l'applique à des peuplades primitives, comme si le problème ne concernait pas les peuples "civilisés" dont il est et qui, parce que "civilisés", ont règlé le problème et ne peuvent être concernés (!!!???).
Le déchiffrement de la symbolique du Labyrinthe initial, celui de Gortyne dans son environnement tout aussi signifiant, à la lumière de la "simplicité d'esprit", permet d'aller jusqu'au bout:
L'HOMME s'élabore dans l'utérus où il vit le confort
absolu, la plénitude, à l'abri de tous les tourments,
de toutes les souffrances ; il commence à y construire son ÊTRE
d'homme, fait d'harmonie et de sérénité, loin
du Père créateur et donc sans connaître la Loi du Père,
seulement la chaleur bienfaisante et apaisante de la mère nourricière.
Il est loin ce Père qui, du haut du Mont IDA ("j'ai vu"), voit tout
et sait tout, édicte le PSILORITIS ("le rite du/de très haut")...
L'HOMME quitte un jour ce cocon, grandit, s'éloigne de la mère
protectrice et nourricière et découvre la souffrance au contact
de la réalité, ainsi que les joies offertes par cette Nature
qui se substitue à la génitrice de chair en lui offrant nourriture,
chaleur et abri, à son tour.
Mais lorsque la souffrance est trop forte, c'est vers la chaleur maternelle
qu'il retourne, dans les bras ou les jupons... à défaut d'un
impossible retour dans le "mitra" : sa taille est telle qu'il ne pourrait
plus y entrer.
Ce détachement de la génitrice intervient simultanément
avec le moment où le rapprochement au Père s'effectue, ce
Père qui, loin de sa propre mère, a réussi à
affronter les réalités de la vie et à organiser la
VIE. Alors, il faut faire comme lui, contruire un environnement de VIE
, s'accoupler pour montrer sa virilité, pour s'affirmer comme mâle,
à son tour, "reprendre le flambeau"...
Il est tentant de compenser la frustration de l'éloignement d'avec
la mère par une modification du statut de la mère : de mère
génitrice, la mère pourrait très bien devenir la femelle
de son fils puisqu'elle est une bonne reproductrice. Par définition,
l'enfant qu'elle a conçu est, pour le fils en question, parfait
(narcisse et son miroir !) et il apparaît donc logique d'envisager
son "clônage " en utilisant le moule qui a servi à le concevoir.
La tentation de l'inceste apparaît comme un phénomène
strictement naturel, instinctif, légitime... MAIS....
Si, chez les animaux, cette tentation se concrètise sans problème, il n'en va pas de même pour l'homme: l'animal n'a pas, comme l'homme, la faculté d'influer sur son environnement, de le façonner au gré de ses besoins. L'animal est SOUMIS aux lois de la nature, parfois dures. Il est parfois contraint, dans les situations extrèmes, de faire fi des règles éthiques : il peut aller jusqu'à chasser ou tuer l'inutile, le vieux... pour le dévorer, parfois...
L'HOMME, parce qu'il est capable d'apprendre, sait comment façonner
la Nature pour qu'elle serve ses intérêts.. et sa motivation,
du fait de sa peur viscérale d'être dévoré par
son propre enfant, est d'autant plus forte Le désir de vivre le
plus longtemps possible est plus fort que tout.
Mais il ne sait pas encore, ce Père encore prisonnier de la matérialité
, comment agir efficacement dans les meilleurs délais. Alors, il
crée la LOI pour asseoir la prohibition de cet inceste qui, s'il
l'acceptait, serait pour lui une condamnation à mort : si
le fils lui prenait sa femelle qui lui fait aussi usage de mère
de substitution, qui lui assure la VIE , comment pourrait-il alors
envisager la poursuite de sa VIE ? Il lui
faut trouver le TEMPS pour apprendre, pour surmonter cet obstacle terrifiant.
Oui, cette mère-femelle "potentielle" est déjà la femelle d'un autre mâle, plus âgé, qui se donne le droit de VIVRE parce qu'il a contribué à construire les conditions de la VIE pour les siens . Il ne peut accepter de se voir supplanter par un autre, par cet AUTRE qu'il a connu si faible et qu'il a contribué à faire vivre. Alors, ce vieux mâle, pour ne pas se retrouver un vieux "solitaire", pour ne pas être dévoré, édicte et impose une LOI qu'il assortit de sanctions en cas de transgression.
Pour ne pas paraître subordonné aux instincts animaux, pour ne pas révéler sa peur de mourir seul ou d'être tué, pour être assuré de vivre, il élabore des théories destinées à compenser, à dissimuler sa "faiblesse". Il réussit à convaincre et à s'auto-convaincre du bien-fondé de ses arguments et finit par oublier lui-même ses vraies raisons. Il ira même jusqu'à faire porter à la femelle la responsabilité de ce qu'il appellera "le péché originel", ce qui orientera l'attention ailleurs que sur lui et préservera son EGO : qu'elle est difficile , cette remise en cause fondamentale.
Mais ce péché originel attribué à l'une plutôt qu'à l'autre condamnera l'Homme-mâle à être toujours davantage le détenteur de la force, toujours davantage le législateur, toujours davantage le concepteur d'élucubrations de plus en plus vaines... à toujours s'empêtrer davantage dans des contradictions destructrices.
Cette attitude dominatrice contraindra la Femme-femelle à se soumettre à cette "autorité" pour que les enfants puissent vivre...dans un semblant d'harmonie et de sérénité, selon leur désir... Par ailleurs , elle a compris , elle , que l'éternité était accessible à tous : plus que l'Homme-mâle , elle connaît la souffrance car plus "fragile" et plus sollicitée...et elle a toujors survécu...
...jusqu'à ce que, ayant acquis ce Savoir que l'Homme se réservait pour ne pas être percé à jour, le Femme-femelle se rebelle, s'affirme , rejetant le rôle restrictif de mère qu'on n'a cessé de lui assigner....
...jusqu'à ce que l'ENFANT, au centre de toutes ces luttes parce qu'enjeu de la VIE et de la survie de l'espèce, affirme ses DROITS à l'autonomie, à l'existence ...
...jusqu'à ce que les DROITS de cet ENFANT prévalent sur ceux de l'Homme.... mais incluent les DROITS de l'Homme....
...jusqu'à ce que, au sein de cette SAINE trinité composée des deux parents et de leur enfant, s'impose une évidence absolue, défiant le TEMPS et L'ESPACE , LA LOI UNIVERSELLE que chacun ne peut qu'admettre puisqu'il prend conscience qu'il peut, à tout moment , devenir cet Autre multiforme qu'il pourrait être tenté de détruire (étranger, jeune, vieux, homme, femme, "faible", handicapé, etc....) : chaque ÊTRE est la VIE, laquelle prend diverses formes Porter atteinte à la VIE est donc un crime contre soi-même.
Le RESPECT DE LA VIE, de TOUTE VIE, quelle qu'elle soit , à quelque
stade qu'elle soit , est la LOI , car c'est de la DIVERSITE de ces
VIES que naît l'UNITE de l'espèce humaine.
Et nous en sommes à ce point ......!!!!!!!
POST-SCRIPTUM :
Il pourrait y avoir une autre interprétation, si l'on se réfère au mythe tibétain précédemment signalé et aux découvertes récentes faites dans nos rapports avec les gorilles (des gorilles communiquent avec des humains par le langage des signes).
On dit, devant ce phénomène d'utilisation d'un langage "humain" par les singes, que ce qui nous différencie d'eux est le fait que nous soyons des "SINGES NUS". Personne ne conteste notre ressemblance avec les singes ; quant à notre différence fondamentale avec eux, notre nudité, elle pourrait renvoyer au croisement avec la fameuse "ogresse des rochers" , créature imberbe ou presque (seuls les spécimens vivant à l'état sauvage sont poilus).
Le message contenu dans la Genèse prendrait alors tout son sens puisque la prise de conscience de leur NUDITE par Adam et Eve est ce qui permet à Dieu de réaliser qu'ils ont goûté aux fruits de l'Arbre de la Connaissance qu'il leur avait pourtant interdit de savourer.... et ceci est mon fonds culturel.
La très violente réprobation divine aurait alors été un traumatisme tel pour l'humain que, plutôt que de s'accoupler avec des créatures différentes de lui, il en aurait décidé de ne plus s'accoupler qu'avec ses congénères, et encore les plus proches... et c'est alors Dieu qui intervient, une fois de plus, pour interdire l'inceste... afin de préserver l'image de la Mère Sainte... ou plutôt, raison jamais avouée, pour que le fils ne prenne pas la femelle du Père.
Pour attrayante que soit cette démonstration, je ne peux la privilégier. Tout au plus me paraît-elle être une des élucubrations fumeuses dénoncées plus haut. Faut-il rappeler que dans l'histoire constitutive de la religion chrétienne, des liens indubitables avec le Tibet ont été mis en évidence : certains pensent même que Jésus-Christ, avant d'apparaître au bord du Jourdain devant Jean le Baptiste, aurait suivi l'enseignement des sages de cette partie du monde.
Si cela est, nous nous trouvons devant une nouvelle tentative intellectuelle de concilier les deux dogmes. Il s'agit donc d'un phénomène classique d'hénothéisme.
J'aurais pu m'abstenir d'indiquer cette piste que je referme à peine entr'ouverte. Il s'agit là, pour moi, de montrer combien est toujours grande la tentation de s'engouffrer à nouveau dans les méandres labyrinthiques de notre cerveau, combien est forte la puissance du doute, combien le sentiment de le CERTITUDE peut apparaître comme fragile, combien la confrontation à l'Autre est salutaire.
Je veux aussi montrer que de telles "dérives" sont autant
de reculades : pour chercher la réponse vaine à ce dilemne,
j'en arrive à me distraire de l'essentiel : la préservation
de la VIE, la nécessité de son RESPECT absolu et l'aménagement
de l'environnement pour y vivre le BONHEUR.